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la griffe du scribe

4 décembre 2011

Une histoire de fou

Une histoire de fou

Mon boulot n'était pas passionnant, c'est certain, mais au moins, il m'avait au moins d'avoir enfin, un appart pour moi tout seul.

Depuis qu'Eloïse et moi nous nous étions dit "ADIEU" à coup de crachas sur l'oeil et de doigts d'honneur, pimentés d'un coulis nasal post traumatique pour elle, et d'un poignée flambée au Bic pour moi... après 1 semaine à l'hosto, une fois dehors, nul part où dormir et poser mes sacs. Du coup j'avais pas mal galéré.
Des potes m'avaient hébergé mais ça se passait pas hyper bien, en fait je me sentais partout plus mal à l'aise que chez mes parents et c'est pas peu dire !

Sylvain avait été le premier à répondre positivement à ma détresse et à m'offrir le gîte et le couvert.
Au bout de 2 h chez lui, j'avais déjà compris.
Mettre la table m'était fortement déconseillé, faire le ménage interdit, et fumer simplement une hérésie.
Tout cela non pas dans mon intérêt, ma qualité d'invité, afin de me permettre en toute quiétude de faire le point sur ma vie de merde...non, cette attitude me mettant à l'écart de tout ce qui aurait put me faire me sentir un peu chez moi, était uniquement le résultat d'une incompatibilité totale entre Sylvain et moi.
C'était chez lui, Ses assiettes, Sa vaisselle... et il entendait bien agir avec chez lui, selon ses rites au pouvoir autonettoyant, ses habitudes de célibataire, et de con non fumeur.
On peut-être non fumeur sans être con je vous l'accorde, mais Sylvain allait jusqu'à débarquer dans ma chambre, le matin en général, pendant que je prenais ma douche, persuadé que je ne le voyais pas, il entrouvrait la porte et reniflait, cherchant l'odeur des clopes que j'avais dû cramer toute la nuit en cachette et ça c'est con.
Ce type que je croyais être un pote, était juste un con hypocondriaque, névrosé, psycho rigide, un de ces inutiles qui font volontairement de leur vie une succession de contraintes absurdes et qui réduise leur existence à un quotidien fait de gestes et de buts idiots...des gens qui aiment se faire chier quoi !

Ensuite, j'avais partagé le lit d'une ex, sur la base du "en tout bien tout honneur" et ce pendant 1 mois.
Bien sûr il lui arrivait de ramener un mec et là, je dormais, mal, sur un minuscule canapé très dur.
Lorsqu' elle venait de se faire larguer par le type de la veille, elle se blottissait contre moi dans ce lit de consolation que nous partagions et en général, le "tout bien tout honneur" en prenait un sacré coup, ce qui au bout d'un moment me gonfla carrément, puisque je n'aimais pas cette fille, qu'elle ne me plaisait même pas et que je sentais un retour de flamme dans ses yeux et ça, il n'en était pas question !

Bref, j'ai galéré jusqu'à ce que je trouve ce taf.
Trois mois après la signature du CDI, je cherchais un tout petit studio, ou plus précisément un petit loyer, parce que même si je n'avais absolument rien contre l'idée de courir à poil dans 100 m2, je savais que depuis 10 ans, à Paris, même en gagnant 50000 euros par mois, ce qui est plus de la moitié de mon salaire, on ne pouvait prétendre qu'à un deux pièces, calme à double vitrage et digicode certes, mais 2 pièces tout de même ! Je trouvais donc un 15 m2 à 500 euros...une affaire !
Mes envies s'étaient peu à peu adaptées à mes possibilités...comme pour tout le monde.
Un toit, voilà ce dont j'avais besoin...et aujourd'hui on ne peut avoir d'envie que si l'on a pas de besoin.

Mon travail consistait à saisir les commandes faites par les clients sur le site de l'Entreprise.
Ma boîte s'était spécialisée dans le mobilier de bureau (le mobilier allant du trombone au bureau présidentiel.)

Rien de bien fun, rien de créatif, rien dont je puisse être fier, aucune évolution possible...bref un job alimentaire, un job quoi.

J'avoue que dans les premières semaines, j'ai dû prendre sur moi...fini le dessin, oublié le rêve de publier ma 1ere BD.
Je continuais de gribouiller, oui...mais le soir, après la monotonie de ma tâche et les gueules de cons qui bossaient avec moi, l'inspiration me manquait...non pas l'inspiration...le courage !
Ils me nivelait, me tirait vers le bas avec délectation et je ne résistais même plus...

Non, je n'étais pas dépressif, juste lucide, ce qui malheureusement mais aussi logiquement, revient quasiment au même, mais non ! ...pas dépressif !
Triste oui, dégoûté de tout aussi...sans rêve...exact, fatigué...Ô combien! Cynique...à fond, solitaire...de plus en plus...mais pas dépressif, désolé Messieurs les psys !

Dans le bureau, juste à côté du mien, il y avait un type chelou, vraiment !
Il avait une tête de mec super clean, sage, rangé, casé, déjà vieux, ordinaire...tout en lui puait l'ordinaire, mais dans ses yeux, parfois...une lueur inquiétante trahissait une folie mal cachée.
Ce type était un psychopathe, j'en étais certain.
Quel truc le faisait kiffer ? Je ne savais pas trop...pédophile mouais....pas sûr. Tueur de putes oui, plus probable, ou un Afghan terroriste infiltré et rasé...j'y avais pensé...mais non !


Je me méfiais de lui et en même temps il m'attirait irrésistiblement, puisque c'était la seule personne, l'unique chose étrange et vaguement dangereuse qui avait droit de cité dans cette boîte.

Je vous le dis tout de suite, même si j'étais pas le mec bavard qui anime les dejs à la cantine où à toujours une bonne blague à la machine à café, j'avais bien remarqué que ceux que l'on appellent communément "collègues", ne voyaient rien de bizarre, d'étrange dans les yeux de Gerald.
Gerald, le psychopathe, était pour eux le mec le plus normal, le plus équilibré de la terre.
Marié, deux enfants, propriétaire d'un pavillon avec un bout de jardin barbecue, à Garches...vacances d'été à la Rochelle chez ses parents . Foot, film de cul de temps en temps, non fumeur...effectivement le type parfait !

Et puis un jour, un lundi matin, je me suis rendu compte que je ne délirais pas...ce type n'était pas tranquille.

Ce matin là donc, il était en sueur alors qu'il faisait un froid glacial. Il attendait mon arrivée avec impatience, puisque dès que j'ouvris la porte de mon bureau, il s'assit face à moi et me dit :
"Je sens que je peux te faire confiance...Je peux te faire confiance ?"
"Euh...oui" répondis je
"Voilà Simon, le boss n'est pas humain." balança-t-il.
"Bin on peut pas dire qu'il soit super chaleureux c'est vrai, mais c'est le boss et puis on le voit pas souvent... alors moi il me dérange pas plus que ça !"
"Tu comprends pas Simon! Il n'appartient pas à la RACE HUMAINE, ce n'est pas un humain de la terre. Il vient d'ailleurs."
Alors qu'il montrait le plafond du doigt, ce qui signifiait apparemment que le boss venait de là haut, de l'espace donc, j'arrivais tout de même à répondre  :
" Ah ! Ok !" dis-je, déjà pressé que ce type sorte le plus rapidement possible et définitivement de mon bureau.
"Tu as vu ses pieds? " reprit-il. " Et ses oreilles...regarde les ses oreilles ! Tu as remarqué qu'il ne mange jamais ? Tu l'as vu manger toi ?" hurla t il
"Non non, mais je ne le suis pas à la trace et je suppose qu'il préfère aller au resto plutôt qu'à cette saleté de cantoche"
"Et bien non, perdu, tout faux, à côté de la plaque...Moi je le suis et il ne va pas au resto...il ne mange pas j'te dis!"
"Il va où alors? " demandais-je
"Je ne sais pas vraiment. Il gare sa voiture toujours à la même place à 120 m de la sortie de la boîte. Il monte dans sa caisse, il démarre, je le prends en filature et malgré tous mes efforts, je le perds tout le temps à un feu."
"Mais Gerald, pourquoi tu perds ton temps à suivre le boss ? Laisse tomber !" Je l'avais appelé Gerald pour le calmer un peu.

"Que je laisse tomber ?!!! Il était devenu tout rouge et la sueur tombait de son front directement sur mes dossiers.
"Que je laisse tomber...? Mais vous êtes cons ou quoi tous là ? Non,vous êtes lâches oui lâches ! Alors on va accepter de se laisser envahir sans rien faire...ça te pose pas de problème à toi ? Ok, t'es comme les autres. Bouge pas, nie l'évidence si tu veux, fais comme le troupeau aveugle, mais je te demande une seule chose, c'est que tu n'en parle à personne !
Moi je continue ma mission, puisqu'apparemment je suis le seul à avoir un cerveau, des yeux et des couilles, mais il faut que tu fermes ta putain de gueule sinon je serais découvert" il était debout l'air menaçant.
"Et tu seras viré" dis je en souriant
"Mais je m'en fout d'être viré, tu vois pas que là on ton tient un truc énorme ? Non tu vois rien, laisse tomber, t'es pas prêt...mais ferme la !"

Et il sortit du bureau en claquant la porte.

Je savais déjà que je travaillais à côté d'un mec pas clair, mais je ne me doutais pas que c'était à ce point...un véritable taré!
 Du haut de gamme, de ceux qu'on va visiter dans leur chambre capitonnée ou qui déambulent, la bave aux lèvres dans les docus consacrés aux " hôpitaux psychiatriques malades du trop grand nombre de malades ".
Tu m'étonnes ! Et encore, lui, il était en liberté, t'imagines l'état de ceux qui sont à l'intérieur ?
Il était même peut-être dangereux !!?

Je ne disais rien à personne...d'abord parce que je n'avais pas d'ami ou même de relation professionnelle privilégiée avec qui que ce soit dans cette boîte, ensuite, parce que c'est moi qui serait passé pour un dingue et enfin parce que, j'avoue, j'avais un peu la trouille !
Il était capable de me la fermer définitivement...qui sait ?

Deux jours passèrent et commencèrent les 122 mails quotidiens, pas un de plus pas un de moins, qu'il commença à m'envoyer,.
Ca commençait dès 9h, heure à laquelle j'allumais mon ordi et non stop jusqu'à 18h lorsque je l'éteignais.

Des mails me tenant au courant minute après minute, de l'évolution de ses investigations.
Au début, je les lisais tous et je me fendais la gueule en me disant que là, j'avais à faire à du lourd.
Et puis les mails devenaient de plus en plus flippants.
Il me confiait, tout comme si j'adhérais à sa théorie, évidente pour lui...théorie selon laquelle que nous étions dirigés, n'ayant pas peur des mots, par des extraterrestres, mal faisant bien entendu.

Ne voulant pas le contredire, toujours par simple principe de précaution, je décidais d'aller dans son sens et même d'en rajouter en lui envoyant moi même quelques mails.

Je me souviens entre autres du 1er qui m'inspira.
Mon but étant d'aller très très loin dans l'absurdité pour essayer de lui démontrer l'abhération de sa théorie et de sa parano, sans lui imposer mon diagnostic.

Le mail en question disait à peu près :
" Hier soir 21h...j'ai suivi le spécimen jusqu'à son appart. Le soit-disant Dubaronnet est entré dans le hall, a ouvert sa boîte à lettres et a fait tomber ses clés : elles n'ont pas fait de bruit !
Il les a ramassé puis s'est dirigé vers la porte vitrée qui le séparait des escaliers et de l'ascenseur, il ne s'est pas servi des clés. Il a juste levé sa main droite, l'a baladée devant la porte vitrée et la porte s'est ouverte ! Tu te rends compte ? T'avais raison. Il n'a pas allumé la lumière du couloir pour prendre l'ascenseur, ce qui signifie qu'il se dirige sans problème dans l'obscurité.
Arrivé au 2ème, il n'a toujours pas allumé la lumière de son salon, pièce que l'on peut voir de la rue où je planquais.
Une heure après, le dénommé Dubaronnet reçoit une femme, très grande, qui elle aussi, ouvre la porte d'une caresse de la main droite sur la porte vitrée...toujours pas besoin de lumière.
7h30 ce matin...il descend, elle...non !
Donc et pour résumer : vision nocturne, magnétisme puissant permettant d'accéder à tout, de pénétrer partout. Visiteur de grande taille...pouvoir de dématérialisation puisqu'en ce qui concerne la femme, alors que je n'ai à aucun moment quitté la porte de l'immeuble des yeux, je ne l'ai pas vue quand elle est sortie. Qu'en dis tu ? ça se précise non ? "
J'étais mort de rire. Je faisais très fort là, il allait me traiter de fou furieux et tout allait rentrer dans l'ordre ou devenir encore plus délirant...en tous cas je me marrais bien !


Gerald contrairement à ce que je pensais, était aux anges. Ce mail pour lui, mon mail, c'était enfin la preuve qu'il n'était plus seul et que nous partagions la mission : celle de révéler au monde la présence de l'Intelligence Artificielle qui nous payait chaque mois et nous deviendrons ainsi des héros planétaires.
Nous étions complices, enfin c'est ce que je lui laissais croire.
Quand je me faisais top chier j'envoyais de nouveau quelques mails de fou...inventant au fur et à mesure que j'écrivais et riant tout seul de l'énormité de la connerie du dégénéré auquel il était destiné.

A part que ma boîte mail saturait, il me laissait tranquille, ne venait plus dans mon bureau. Un clin d'oeil l'ai entendu au détour d'un couloir tout au plus...pour moi c'était l'essentiel.


Jamais je ne regretterai assez ce manque de perspicacité, cette légèreté, ces mails débiles adressés à un débile !


Un jour, Gerald ne ne vint pas au bureau. Etrange ce sentiment d'être à la fois débarrassé d'un boulet et en même temps de sentir un vide qui remplissait mes pauvres journées.

Et puis, je ne me sentais pas à l'aise.
Certes, je ne m'inquiétais pas pour sa santé, je savais mieux que personne que son état était désespéré...mais sa mission, qu'en avait il fait ? C'était sa raison de vivre...et il aurait abandonné ? Non ! Il devait être à bout à force de veiller. Suivant le boss nuit et jour partout. E.T l'a tué ! pensais-je en souriant !
Gerald avait peut-être tout simplement pété les plombs et était entre les mains de colosses en blouse blanche, ce qui après tout était sa destination logique et qui était synonyme de tranquillité pour moi et pour le monde en général... bien que le monde m'indiffère totalement !

Une semaine passa, puis deux.
Personne ne savait ce qu'avait Gerald.
Puis un matin, une fille au cheveux gras travaillant à la gestion lâcha le morceau...Dépression. Internement. Longue maladie !

Cela ne m'étonna pas et pour cause et j'imaginais mon Gerald en pyjama rayé, la bave aux lèvres, entrain de répéter inlassablement "Ils sont là, ils sont parmi nous ! " puis une infirmière allemande arrivait et lui faisait une piqure dans les fesses avec une aiguille de 30 cm...j'adorais.

J'étais enfin tranquille.

C'est 2 mois plus tard que tout bascula dans l'horreur, l'absurde, la folie pure, l'irrationnel, l'injustice, l'enfer !


Notre bien aimé patron Mr Dubaronnet mourut dans un accident de voiture.
Nous étions tristes, sans véritable raison, si ce n'est celle de l'annonce de la mort subite d'un être faisant partie de notre entourage. Ce genre de nouvelle à tendance à surprendre mais aussi et surtout à renvoyer chacun à sa propre mort.
Ce qui inévitablement et proportionnellement au niveau de bêtise des employés de cette entreprise se traduisit par la phrase bien connue que j'entendit jusqu'au soir à tous les étages : "On est bien peu de chose !"



Cela faisait 8 mois maintenant que je travaillais dans cette boîte et j'avais déjà vécu l'internement du nouvel Hannibal Lecter et la mort accidentelle et violente d'un grand patron, cadet d'une dynastie d'entrepreneurs.

En fait, elle n'était pas si banale que ça cette entreprise !

Un matin, alors qu'avant de commencer ma fonction rébarbative et répétitive à l'extrême, je lisais les news, histoire de faire comme si le monde extérieur m'intéressait. C'est alors que mes yeux s'arrêtèrent sur la photo de mon feu ex patron.
Il était mort et enterré depuis 2 semaines...qu'est ce que sa tronche venait faire dans les actus du jour ?

Je decidais de lire l'article sous la photo.


"La mort, il y a 2 semaines de Mr Dubaronnet, PDG de Dubaronnet & Co n'est apparemment pas une mort accidentelle comme a put le penser la police.

De nouveaux indices viennent plutôt alimenter désormais la thèse du meurtre déguisé en accident.

Mais personne ne connaissait d'ennemi à Mr Dubaronnet. Directeur apprécié, oeuvrant pour différentes associations caritatives, père de 3 enfants, bon mari et père amant.

La police après avoir exploré et exploité toutes les informations émanant de son entourage proche, s'apprête désormais à creuser du coté de son environnement professionnel.

Vengeance d'un employé licencié ?
Jalousie d'un concurrent lésé ?
Que découvrira la police ?...le mystère reste entier!

J'étais sonné ! Il l'avait fait ! ça ne pouvait être que Gerald. Il avait voulu accomplir sa mission jusqu'au bout...
Putain il avait tué le boss ce con !

Le jeudi suivant, la police débarqua. Tout le monde fût interrogé. Personne ne savait quoique ce soit qui puisse aider les autorités.

Après investigation : pas d'employé haineux, rien!

Au départ je ne voulais pas les mettre sur la piste de Gerald, mais un cas de conscience m'empêchait littéralement de dormir.
Si je ne dévoilais pas à la police que Gerald voyait en Mr Dubaronnet une menace pour le monde, j'étais complice d'une certaine façon.
Et puis Gerald était enfermé...il serait déclaré irresponsable. Il ne ferait pas de prison.
Le lendemain, je balançais tout à la police !


J'avoue qu'en sortant du bureau de l'inspecteur chargé de l'enquête, j'étais persuadé d'avoir fait mon devoir et aidé la police.
Je me trompais lourdement.

Les flics savaient que Gerald état malade et soigné en psychiatrie lourde mais il se trouve qu'aucun psy, selon les rapports donnés à la police pour les besoins de l'enquête, n'avait décelé une quelconque paranoïa.
Et Mr Dubaronnet ne faisait absolument pas partie de ses obsessions.
De plus, Gerald était interné depuis déjà plus d'un mois quand survint la mort de Mr Dubaronnet...et en toute logique, Gerald étant sanglé les 3/4 du temps dans une chambre fermée à clé et chargé au max de neuroleptiques en perfusion, il paraissait bien improbable que ce légume ai pu commettre le moindre meurtre .

Ce que je ne soupçonnais pas, c'est que ma déclaration avait eu un effet très négatif sur le jugement de la police à mon égard !

Il s'était dit en gros ce que j'avais moi même pensé le 1er  jour où Gerald m'avait confié son secret.
Seulement dans mon cas, les policiers voyaient au delà du psychopathe, un esprit pervers et calculateur puisque je rejetais mes hallucinations et mes actes sur un pauvre type inoffensif : Gerald.


Ils fouillèrent dans ma vie.

Ma rupture avec Eloïse fut déclarée comme symptomatique d'une propention à la violence.
Ma période SDF comme le signe d'une instabilité morbide.
Mon ex pote psychorigide alla même jusqu'à me décrire comme extrêmement étrange, fouillant partout chez lui.
Mes collègues me dépeignèrent comme asocial.
Même mon ex, qui m'avait hébergé 1 mois, avouait en pleurnichant que j'étais un voyeur, adorant mater allongé par terre dans l'obscurité ses ébats sexuels avec ses amants !!!


Waouw ! J'étais déjà assez remonté contre le genre humain, mais là je m'apercevais que j'étais tout simplement entouré d'enculés !

Je voulu me défendre, prouver mon innocence, mon équilibre psychologique et ma bonne foi.

Mais les policiers n'avaient pas du tout l'air convaincus. Ils avaient à ma demande inspecté la boîte mail de Gerald qui pour moi était la preuve irréfutable de sa démence et de sa culpabilité.

C'était mon unique salut...c'est ce que je croyais en tous cas !

C'est quand ils déboulèrent dans mon bureau, que je compris que quelque chose clochait.

"Alors vous avez lu tous ses mails ? Il est dingue on est d'accord ? Et Dubaronnet c'est écrit noir sur blanc, était l'envahisseur pour lui, son ennemi, l'ennemi de l'humanité, son objectif et sa mission. C'est une preuve ça tout de même non ?" demandais je suppliant.

"Monsieur, nous n'avons rien trouvé. Aucun mail de ce genre, aucun mail envoyé par Gerald je veux dire.
En revanche, dans les mails reçus, écrit noir sur blanc et provenant de votre adresse mail donc de vous, 4 ou 5 ont un contenu qui laisse à penser ce qui n'était encore tout à l'heure qu'une intime conviction pour nous.
C'est vous qui avait rendu Gerald paranoïaque pour lui faire porter le chapeau par la suite, en lui bourrant la tête de vos élucubrations et c'est vous aussi Mr Bourguoin qui avait assassiné Mr Dubaronnet ! Votre propre patron !"


Je restais sans voix.
 Je devais rêver ?!
Mais pourquoi aussi avais je écris ces putains de mails ? Ces mails idiots ? Juste pour me foutre de la gueule de ce cinglé et pour qu'il ne pose pus jamais son gros cul humide et suant sur mon fauteuil ? Voilà pourquoi ! Quel con !
Et pourquoi avait il effacé tous les siens...c'est évident, bien sûr, ne laisser aucune trace, ne pas se trahir dans sa mission suprême! Et il avait conservé les miens...putain !

Je reprenais mes esprits et dans un dernier élan de survie je déclarais :
"Mais enfin c'étaient des mails à la con, je lui répondais, j'allais dans son sens pour m'amuser."
J'étais debout désormais, devant eux, et ils me regardait comme un coupable et qui plus est un coupable dangereux !


" Vous voulez que je vous rafraîchisse la mémoire Mr Bourgoin? demanda cyniquement l'inspecteur. Le dernier mail que vous avez envoyé à Gerald date de la veille de son internement et vous écrivez je vous lis : " T'es le meilleur Gerald, mais tu en as assez fait, c'est à moi de finir le travail, de sauver l'humanité, de la délivrer de la menace, du danger que représente Dubaronnet et ses semblables !
Repose toi, je sais ce que je fais. Tout va rentrer dans l'ordre !"


Vous avez écrit cela Mr Bourgouin !...et vous ne pouvez pas le nier !

"J'ai écris ça pour le rassurer, pour qu'il croit que je prenais le relais, qu'il pouvait donc arrêter de gamberger là dessus et de se rendre malade. Pour qu'il arrête de me faire chier aussi, pour qu'il me lâche et aussi apparemment parce que je suis un vrai con !"


Les menottes se refermèrent sur mes poignets.
Trois mois plus tard, à mon procès, je fus déclaré responsable de mes actes, et bien que souffrant selon les experts d'une légère paranoïa due à mon enfance trop protégée et à l'absence du père détesté et représenté dans ma pauvre tête malade par Mr Dubaronnet.

Oui je savais, j'étais conscient de ce que j'avais fait, j'étais coupable de meurtre avec préméditation.

Juste avant de perdre conscience, j'entendis mon avocat murmurer :
"Sans les mails retrouvés dans la  boîte de Gerald, on aurait jamais pu faire le lien et quand bien même la préméditation n'aurait jamais tenue. Il avait tout prévu sauf ça !"

Oui, il parlait de moi. Je fermais les yeux, mon corps se déroba sous mes pieds et puis...4 murs avec des chiottes au milieu...une histoire de fou !



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4 décembre 2011

Une histoire de fou

Une histoire de fou

Mon boulot n'était pas passionnant, c'est certain, mais au moins, il m'avait au moins d'avoir enfin, un appart pour moi tout seul.

Depuis qu'Eloïse et moi nous nous étions dit "ADIEU" à coup de crachas sur l'oeil et de doigts d'honneur, pimentés d'un coulis nasal post traumatique pour elle, et d'un poignée flambée au Bic pour moi... après 1 semaine à l'hosto, une fois dehors, nul part où dormir et poser mes sacs. Du coup j'avais pas mal galéré.
Des potes m'avaient hébergé mais ça se passait pas hyper bien, en fait je me sentais partout plus mal à l'aise que chez mes parents et c'est pas peu dire !

Sylvain avait été le premier à répondre positivement à ma détresse et à m'offrir le gîte et le couvert.
Au bout de 2 h chez lui, j'avais déjà compris.
Mettre la table m'était fortement déconseillé, faire le ménage interdit, et fumer simplement une hérésie.
Tout cela non pas dans mon intérêt, ma qualité d'invité, afin de me permettre en toute quiétude de faire le point sur ma vie de merde...non, cette attitude me mettant à l'écart de tout ce qui aurait put me faire me sentir un peu chez moi, était uniquement le résultat d'une incompatibilité totale entre Sylvain et moi.
C'était chez lui, Ses assiettes, Sa vaisselle... et il entendait bien agir avec chez lui, selon ses rites au pouvoir autonettoyant, ses habitudes de célibataire, et de con non fumeur.
On peut-être non fumeur sans être con je vous l'accorde, mais Sylvain allait jusqu'à débarquer dans ma chambre, le matin en général, pendant que je prenais ma douche, persuadé que je ne le voyais pas, il entrouvrait la porte et reniflait, cherchant l'odeur des clopes que j'avais dû cramer toute la nuit en cachette et ça c'est con.
Ce type que je croyais être un pote, était juste un con hypocondriaque, névrosé, psycho rigide, un de ces inutiles qui font volontairement de leur vie une succession de contraintes absurdes et qui réduise leur existence à un quotidien fait de gestes et de buts idiots...des gens qui aiment se faire chier quoi !

Ensuite, j'avais partagé le lit d'une ex, sur la base du "en tout bien tout honneur" et ce pendant 1 mois.
Bien sûr il lui arrivait de ramener un mec et là, je dormais, mal, sur un minuscule canapé très dur.
Lorsqu' elle venait de se faire larguer par le type de la veille, elle se blottissait contre moi dans ce lit de consolation que nous partagions et en général, le "tout bien tout honneur" en prenait un sacré coup, ce qui au bout d'un moment me gonfla carrément, puisque je n'aimais pas cette fille, qu'elle ne me plaisait même pas et que je sentais un retour de flamme dans ses yeux et ça, il n'en était pas question !

Bref, j'ai galéré jusqu'à ce que je trouve ce taf.
Trois mois après la signature du CDI, je cherchais un tout petit studio, ou plus précisément un petit loyer, parce que même si je n'avais absolument rien contre l'idée de courir à poil dans 100 m2, je savais que depuis 10 ans, à Paris, même en gagnant 50000 euros par mois, ce qui est plus de la moitié de mon salaire, on ne pouvait prétendre qu'à un deux pièces, calme à double vitrage et digicode certes, mais 2 pièces tout de même ! Je trouvais donc un 15 m2 à 500 euros...une affaire !
Mes envies s'étaient peu à peu adaptées à mes possibilités...comme pour tout le monde.
Un toit, voilà ce dont j'avais besoin...et aujourd'hui on ne peut avoir d'envie que si l'on a pas de besoin.

Mon travail consistait à saisir les commandes faites par les clients sur le site de l'Entreprise.
Ma boîte s'était spécialisée dans le mobilier de bureau (le mobilier allant du trombone au bureau présidentiel.)

Rien de bien fun, rien de créatif, rien dont je puisse être fier, aucune évolution possible...bref un job alimentaire, un job quoi.

J'avoue que dans les premières semaines, j'ai dû prendre sur moi...fini le dessin, oublié le rêve de publier ma 1ere BD.
Je continuais de gribouiller, oui...mais le soir, après la monotonie de ma tâche et les gueules de cons qui bossaient avec moi, l'inspiration me manquait...non pas l'inspiration...le courage !
Ils me nivelait, me tirait vers le bas avec délectation et je ne résistais même plus...

Non, je n'étais pas dépressif, juste lucide, ce qui malheureusement mais aussi logiquement, revient quasiment au même, mais non ! ...pas dépressif !
Triste oui, dégoûté de tout aussi...sans rêve...exact, fatigué...Ô combien! Cynique...à fond, solitaire...de plus en plus...mais pas dépressif, désolé Messieurs les psys !

Dans le bureau, juste à côté du mien, il y avait un type chelou, vraiment !
Il avait une tête de mec super clean, sage, rangé, casé, déjà vieux, ordinaire...tout en lui puait l'ordinaire, mais dans ses yeux, parfois...une lueur inquiétante trahissait une folie mal cachée.
Ce type était un psychopathe, j'en étais certain.
Quel truc le faisait kiffer ? Je ne savais pas trop...pédophile mouais....pas sûr. Tueur de putes oui, plus probable, ou un Afghan terroriste infiltré et rasé...j'y avais pensé...mais non !


Je me méfiais de lui et en même temps il m'attirait irrésistiblement, puisque c'était la seule personne, l'unique chose étrange et vaguement dangereuse qui avait droit de cité dans cette boîte.

Je vous le dis tout de suite, même si j'étais pas le mec bavard qui anime les dejs à la cantine où à toujours une bonne blague à la machine à café, j'avais bien remarqué que ceux que l'on appellent communément "collègues", ne voyaient rien de bizarre, d'étrange dans les yeux de Gerald.
Gerald, le psychopathe, était pour eux le mec le plus normal, le plus équilibré de la terre.
Marié, deux enfants, propriétaire d'un pavillon avec un bout de jardin barbecue, à Garches...vacances d'été à la Rochelle chez ses parents . Foot, film de cul de temps en temps, non fumeur...effectivement le type parfait !

Et puis un jour, un lundi matin, je me suis rendu compte que je ne délirais pas...ce type n'était pas tranquille.

Ce matin là donc, il était en sueur alors qu'il faisait un froid glacial. Il attendait mon arrivée avec impatience, puisque dès que j'ouvris la porte de mon bureau, il s'assit face à moi et me dit :
"Je sens que je peux te faire confiance...Je peux te faire confiance ?"
"Euh...oui" répondis je
"Voilà Simon, le boss n'est pas humain." balança-t-il.
"Bin on peut pas dire qu'il soit super chaleureux c'est vrai, mais c'est le boss et puis on le voit pas souvent... alors moi il me dérange pas plus que ça !"
"Tu comprends pas Simon! Il n'appartient pas à la RACE HUMAINE, ce n'est pas un humain de la terre. Il vient d'ailleurs."
Alors qu'il montrait le plafond du doigt, ce qui signifiait apparemment que le boss venait de là haut, de l'espace donc, j'arrivais tout de même à répondre  :
" Ah ! Ok !" dis-je, déjà pressé que ce type sorte le plus rapidement possible et définitivement de mon bureau.
"Tu as vu ses pieds? " reprit-il. " Et ses oreilles...regarde les ses oreilles ! Tu as remarqué qu'il ne mange jamais ? Tu l'as vu manger toi ?" hurla t il
"Non non, mais je ne le suis pas à la trace et je suppose qu'il préfère aller au resto plutôt qu'à cette saleté de cantoche"
"Et bien non, perdu, tout faux, à côté de la plaque...Moi je le suis et il ne va pas au resto...il ne mange pas j'te dis!"
"Il va où alors? " demandais-je
"Je ne sais pas vraiment. Il gare sa voiture toujours à la même place à 120 m de la sortie de la boîte. Il monte dans sa caisse, il démarre, je le prends en filature et malgré tous mes efforts, je le perds tout le temps à un feu."
"Mais Gerald, pourquoi tu perds ton temps à suivre le boss ? Laisse tomber !" Je l'avais appelé Gerald pour le calmer un peu.

"Que je laisse tomber ?!!! Il était devenu tout rouge et la sueur tombait de son front directement sur mes dossiers.
"Que je laisse tomber...? Mais vous êtes cons ou quoi tous là ? Non,vous êtes lâches oui lâches ! Alors on va accepter de se laisser envahir sans rien faire...ça te pose pas de problème à toi ? Ok, t'es comme les autres. Bouge pas, nie l'évidence si tu veux, fais comme le troupeau aveugle, mais je te demande une seule chose, c'est que tu n'en parle à personne !
Moi je continue ma mission, puisqu'apparemment je suis le seul à avoir un cerveau, des yeux et des couilles, mais il faut que tu fermes ta putain de gueule sinon je serais découvert" il était debout l'air menaçant.
"Et tu seras viré" dis je en souriant
"Mais je m'en fout d'être viré, tu vois pas que là on ton tient un truc énorme ? Non tu vois rien, laisse tomber, t'es pas prêt...mais ferme la !"

Et il sortit du bureau en claquant la porte.

Je savais déjà que je travaillais à côté d'un mec pas clair, mais je ne me doutais pas que c'était à ce point...un véritable taré!
 Du haut de gamme, de ceux qu'on va visiter dans leur chambre capitonnée ou qui déambulent, la bave aux lèvres dans les docus consacrés aux " hôpitaux psychiatriques malades du trop grand nombre de malades ".
Tu m'étonnes ! Et encore, lui, il était en liberté, t'imagines l'état de ceux qui sont à l'intérieur ?
Il était même peut-être dangereux !!?

Je ne disais rien à personne...d'abord parce que je n'avais pas d'ami ou même de relation professionnelle privilégiée avec qui que ce soit dans cette boîte, ensuite, parce que c'est moi qui serait passé pour un dingue et enfin parce que, j'avoue, j'avais un peu la trouille !
Il était capable de me la fermer définitivement...qui sait ?

Deux jours passèrent et commencèrent les 122 mails quotidiens, pas un de plus pas un de moins, qu'il commença à m'envoyer,.
Ca commençait dès 9h, heure à laquelle j'allumais mon ordi et non stop jusqu'à 18h lorsque je l'éteignais.

Des mails me tenant au courant minute après minute, de l'évolution de ses investigations.
Au début, je les lisais tous et je me fendais la gueule en me disant que là, j'avais à faire à du lourd.
Et puis les mails devenaient de plus en plus flippants.
Il me confiait, tout comme si j'adhérais à sa théorie, évidente pour lui...théorie selon laquelle que nous étions dirigés, n'ayant pas peur des mots, par des extraterrestres, mal faisant bien entendu.

Ne voulant pas le contredire, toujours par simple principe de précaution, je décidais d'aller dans son sens et même d'en rajouter en lui envoyant moi même quelques mails.

Je me souviens entre autres du 1er qui m'inspira.
Mon but étant d'aller très très loin dans l'absurdité pour essayer de lui démontrer l'abhération de sa théorie et de sa parano, sans lui imposer mon diagnostic.

Le mail en question disait à peu près :
" Hier soir 21h...j'ai suivi le spécimen jusqu'à son appart. Le soit-disant Dubaronnet est entré dans le hall, a ouvert sa boîte à lettres et a fait tomber ses clés : elles n'ont pas fait de bruit !
Il les a ramassé puis s'est dirigé vers la porte vitrée qui le séparait des escaliers et de l'ascenseur, il ne s'est pas servi des clés. Il a juste levé sa main droite, l'a baladée devant la porte vitrée et la porte s'est ouverte ! Tu te rends compte ? T'avais raison. Il n'a pas allumé la lumière du couloir pour prendre l'ascenseur, ce qui signifie qu'il se dirige sans problème dans l'obscurité.
Arrivé au 2ème, il n'a toujours pas allumé la lumière de son salon, pièce que l'on peut voir de la rue où je planquais.
Une heure après, le dénommé Dubaronnet reçoit une femme, très grande, qui elle aussi, ouvre la porte d'une caresse de la main droite sur la porte vitrée...toujours pas besoin de lumière.
7h30 ce matin...il descend, elle...non !
Donc et pour résumer : vision nocturne, magnétisme puissant permettant d'accéder à tout, de pénétrer partout. Visiteur de grande taille...pouvoir de dématérialisation puisqu'en ce qui concerne la femme, alors que je n'ai à aucun moment quitté la porte de l'immeuble des yeux, je ne l'ai pas vue quand elle est sortie. Qu'en dis tu ? ça se précise non ? "
J'étais mort de rire. Je faisais très fort là, il allait me traiter de fou furieux et tout allait rentrer dans l'ordre ou devenir encore plus délirant...en tous cas je me marrais bien !


Gerald contrairement à ce que je pensais, était aux anges. Ce mail pour lui, mon mail, c'était enfin la preuve qu'il n'était plus seul et que nous partagions la mission : celle de révéler au monde la présence de l'Intelligence Artificielle qui nous payait chaque mois et nous deviendrons ainsi des héros planétaires.
Nous étions complices, enfin c'est ce que je lui laissais croire.
Quand je me faisais top chier j'envoyais de nouveau quelques mails de fou...inventant au fur et à mesure que j'écrivais et riant tout seul de l'énormité de la connerie du dégénéré auquel il était destiné.

A part que ma boîte mail saturait, il me laissait tranquille, ne venait plus dans mon bureau. Un clin d'oeil l'ai entendu au détour d'un couloir tout au plus...pour moi c'était l'essentiel.


Jamais je ne regretterai assez ce manque de perspicacité, cette légèreté, ces mails débiles adressés à un débile !


Un jour, Gerald ne ne vint pas au bureau. Etrange ce sentiment d'être à la fois débarrassé d'un boulet et en même temps de sentir un vide qui remplissait mes pauvres journées.

Et puis, je ne me sentais pas à l'aise.
Certes, je ne m'inquiétais pas pour sa santé, je savais mieux que personne que son état était désespéré...mais sa mission, qu'en avait il fait ? C'était sa raison de vivre...et il aurait abandonné ? Non ! Il devait être à bout à force de veiller. Suivant le boss nuit et jour partout. E.T l'a tué ! pensais-je en souriant !
Gerald avait peut-être tout simplement pété les plombs et était entre les mains de colosses en blouse blanche, ce qui après tout était sa destination logique et qui était synonyme de tranquillité pour moi et pour le monde en général... bien que le monde m'indiffère totalement !

Une semaine passa, puis deux.
Personne ne savait ce qu'avait Gerald.
Puis un matin, une fille au cheveux gras travaillant à la gestion lâcha le morceau...Dépression. Internement. Longue maladie !

Cela ne m'étonna pas et pour cause et j'imaginais mon Gerald en pyjama rayé, la bave aux lèvres, entrain de répéter inlassablement "Ils sont là, ils sont parmi nous ! " puis une infirmière allemande arrivait et lui faisait une piqure dans les fesses avec une aiguille de 30 cm...j'adorais.

J'étais enfin tranquille.

C'est 2 mois plus tard que tout bascula dans l'horreur, l'absurde, la folie pure, l'irrationnel, l'injustice, l'enfer !


Notre bien aimé patron Mr Dubaronnet mourut dans un accident de voiture.
Nous étions tristes, sans véritable raison, si ce n'est celle de l'annonce de la mort subite d'un être faisant partie de notre entourage. Ce genre de nouvelle à tendance à surprendre mais aussi et surtout à renvoyer chacun à sa propre mort.
Ce qui inévitablement et proportionnellement au niveau de bêtise des employés de cette entreprise se traduisit par la phrase bien connue que j'entendit jusqu'au soir à tous les étages : "On est bien peu de chose !"



Cela faisait 8 mois maintenant que je travaillais dans cette boîte et j'avais déjà vécu l'internement du nouvel Hannibal Lecter et la mort accidentelle et violente d'un grand patron, cadet d'une dynastie d'entrepreneurs.

En fait, elle n'était pas si banale que ça cette entreprise !

Un matin, alors qu'avant de commencer ma fonction rébarbative et répétitive à l'extrême, je lisais les news, histoire de faire comme si le monde extérieur m'intéressait. C'est alors que mes yeux s'arrêtèrent sur la photo de mon feu ex patron.
Il était mort et enterré depuis 2 semaines...qu'est ce que sa tronche venait faire dans les actus du jour ?

Je decidais de lire l'article sous la photo.


"La mort, il y a 2 semaines de Mr Dubaronnet, PDG de Dubaronnet & Co n'est apparemment pas une mort accidentelle comme a put le penser la police.

De nouveaux indices viennent plutôt alimenter désormais la thèse du meurtre déguisé en accident.

Mais personne ne connaissait d'ennemi à Mr Dubaronnet. Directeur apprécié, oeuvrant pour différentes associations caritatives, père de 3 enfants, bon mari et père amant.

La police après avoir exploré et exploité toutes les informations émanant de son entourage proche, s'apprête désormais à creuser du coté de son environnement professionnel.

Vengeance d'un employé licencié ?
Jalousie d'un concurrent lésé ?
Que découvrira la police ?...le mystère reste entier!

J'étais sonné ! Il l'avait fait ! ça ne pouvait être que Gerald. Il avait voulu accomplir sa mission jusqu'au bout...
Putain il avait tué le boss ce con !

Le jeudi suivant, la police débarqua. Tout le monde fût interrogé. Personne ne savait quoique ce soit qui puisse aider les autorités.

Après investigation : pas d'employé haineux, rien!

Au départ je ne voulais pas les mettre sur la piste de Gerald, mais un cas de conscience m'empêchait littéralement de dormir.
Si je ne dévoilais pas à la police que Gerald voyait en Mr Dubaronnet une menace pour le monde, j'étais complice d'une certaine façon.
Et puis Gerald était enfermé...il serait déclaré irresponsable. Il ne ferait pas de prison.
Le lendemain, je balançais tout à la police !


J'avoue qu'en sortant du bureau de l'inspecteur chargé de l'enquête, j'étais persuadé d'avoir fait mon devoir et aidé la police.
Je me trompais lourdement.

Les flics savaient que Gerald état malade et soigné en psychiatrie lourde mais il se trouve qu'aucun psy, selon les rapports donnés à la police pour les besoins de l'enquête, n'avait décelé une quelconque paranoïa.
Et Mr Dubaronnet ne faisait absolument pas partie de ses obsessions.
De plus, Gerald était interné depuis déjà plus d'un mois quand survint la mort de Mr Dubaronnet...et en toute logique, Gerald étant sanglé les 3/4 du temps dans une chambre fermée à clé et chargé au max de neuroleptiques en perfusion, il paraissait bien improbable que ce légume ai pu commettre le moindre meurtre .

Ce que je ne soupçonnais pas, c'est que ma déclaration avait eu un effet très négatif sur le jugement de la police à mon égard !

Il s'était dit en gros ce que j'avais moi même pensé le 1er  jour où Gerald m'avait confié son secret.
Seulement dans mon cas, les policiers voyaient au delà du psychopathe, un esprit pervers et calculateur puisque je rejetais mes hallucinations et mes actes sur un pauvre type inoffensif : Gerald.


Ils fouillèrent dans ma vie.

Ma rupture avec Eloïse fut déclarée comme symptomatique d'une propention à la violence.
Ma période SDF comme le signe d'une instabilité morbide.
Mon ex pote psychorigide alla même jusqu'à me décrire comme extrêmement étrange, fouillant partout chez lui.
Mes collègues me dépeignèrent comme asocial.
Même mon ex, qui m'avait hébergé 1 mois, avouait en pleurnichant que j'étais un voyeur, adorant mater allongé par terre dans l'obscurité ses ébats sexuels avec ses amants !!!


Waouw ! J'étais déjà assez remonté contre le genre humain, mais là je m'apercevais que j'étais tout simplement entouré d'enculés !

Je voulu me défendre, prouver mon innocence, mon équilibre psychologique et ma bonne foi.

Mais les policiers n'avaient pas du tout l'air convaincus. Ils avaient à ma demande inspecté la boîte mail de Gerald qui pour moi était la preuve irréfutable de sa démence et de sa culpabilité.

C'était mon unique salut...c'est ce que je croyais en tous cas !

C'est quand ils déboulèrent dans mon bureau, que je compris que quelque chose clochait.

"Alors vous avez lu tous ses mails ? Il est dingue on est d'accord ? Et Dubaronnet c'est écrit noir sur blanc, était l'envahisseur pour lui, son ennemi, l'ennemi de l'humanité, son objectif et sa mission. C'est une preuve ça tout de même non ?" demandais je suppliant.

"Monsieur, nous n'avons rien trouvé. Aucun mail de ce genre, aucun mail envoyé par Gerald je veux dire.
En revanche, dans les mails reçus, écrit noir sur blanc et provenant de votre adresse mail donc de vous, 4 ou 5 ont un contenu qui laisse à penser ce qui n'était encore tout à l'heure qu'une intime conviction pour nous.
C'est vous qui avait rendu Gerald paranoïaque pour lui faire porter le chapeau par la suite, en lui bourrant la tête de vos élucubrations et c'est vous aussi Mr Bourguoin qui avait assassiné Mr Dubaronnet ! Votre propre patron !"


Je restais sans voix.
 Je devais rêver ?!
Mais pourquoi aussi avais je écris ces putains de mails ? Ces mails idiots ? Juste pour me foutre de la gueule de ce cinglé et pour qu'il ne pose pus jamais son gros cul humide et suant sur mon fauteuil ? Voilà pourquoi ! Quel con !
Et pourquoi avait il effacé tous les siens...c'est évident, bien sûr, ne laisser aucune trace, ne pas se trahir dans sa mission suprême! Et il avait conservé les miens...putain !

Je reprenais mes esprits et dans un dernier élan de survie je déclarais :
"Mais enfin c'étaient des mails à la con, je lui répondais, j'allais dans son sens pour m'amuser."
J'étais debout désormais, devant eux, et ils me regardait comme un coupable et qui plus est un coupable dangereux !


" Vous voulez que je vous rafraîchisse la mémoire Mr Bourgoin? demanda cyniquement l'inspecteur. Le dernier mail que vous avez envoyé à Gerald date de la veille de son internement et vous écrivez je vous lis : " T'es le meilleur Gerald, mais tu en as assez fait, c'est à moi de finir le travail, de sauver l'humanité, de la délivrer de la menace, du danger que représente Dubaronnet et ses semblables !
Repose toi, je sais ce que je fais. Tout va rentrer dans l'ordre !"


Vous avez écrit cela Mr Bourgouin !...et vous ne pouvez pas le nier !

"J'ai écris ça pour le rassurer, pour qu'il croit que je prenais le relais, qu'il pouvait donc arrêter de gamberger là dessus et de se rendre malade. Pour qu'il arrête de me faire chier aussi, pour qu'il me lâche et aussi apparemment parce que je suis un vrai con !"


Les menottes se refermèrent sur mes poignets.
Trois mois plus tard, à mon procès, je fus déclaré responsable de mes actes, et bien que souffrant selon les experts d'une légère paranoïa due à mon enfance trop protégée et à l'absence du père détesté et représenté dans ma pauvre tête malade par Mr Dubaronnet.

Oui je savais, j'étais conscient de ce que j'avais fait, j'étais coupable de meurtre avec préméditation.

Juste avant de perdre conscience, j'entendis mon avocat murmurer :
"Sans les mails retrouvés dans la  boîte de Gerald, on aurait jamais pu faire le lien et quand bien même la préméditation n'aurait jamais tenue. Il avait tout prévu sauf ça !"

Oui, il parlait de moi. Je fermais les yeux, mon corps se déroba sous mes pieds et puis...4 murs avec des chiottes au milieu...une histoire de fou !



4 décembre 2011

Entre deux eaux

ENTRE DEUX EAUX


Il y a des années, j'étais un gardon.

L'eau de source était mon air, mon univers.

Je me souviens de m'être sentie mouillée, mouillée par l'eau de ce torrent dans lequel je me sentais si bien et que je connaissais par coeur.
Lorsque je voulais retrouver la source de toutes vies, j'allais dans une enclave, une caverne couverte de mousse...j'adorais cette pierre, et j'effleurais sa mousse avec délectation !
Parfois, j'y entrais timidement, comme pour me faire peur, comme si une créature monstrueuse pouvait en sortir subitement...je finissais toujours par m'y lover, flottant dans ce ventre maternel, à l'abri de tout.


Je me souviens de mésanges aussi. Un nid de mésanges...il me tenait compagnie depuis des mois et j'étais heureuse ! Oui j'étais heureuse, ça j'en suis certaine.


Je n'étais qu'un animal, enfin si l'on peut dire, car moi je ne me sentais ni animal ni humaine, ni végétale. Je savais que j'étais vivante, que l'eau était fraîche, que le soleil lorsqu'il réchauffait mon coin de pierre moussu, mon endroit préféré, me plongeait dans une torpeur jouissive...comme un abandon, une aspiration céleste qui me vidait de mes pensées, de ma fatigue...de tout !

J'étais à ce moment là, une pierre, un caillou, oui à cet instant précis, j'étais effectivement proche du minéral...un gros caillou chaud mais un caillou capable de ressentir le bienfait de cette chaleur revigorante, essentielle, magnifique, euphorique...de l'absynthe en rayons, du bonheur en direct, de coeur à coeur . J'en sortais allanguie, tiède, cotonneuse...mais plus vivante aussi quoiqu'un peu ivre !

Moi et le soleil c'est une histoire d'amour, ça aussi je le sais....une histoire de survie, de vie, d'osmose...un dialogue qui a existé dès le premier rayon sur la première minute de mon existence.
Ma peau et lui se sont compris, aimés, trouvés, nourris l'un de l'autre...

J'étais donc un gardon ou un goujon...je ne sais plus.
Mais comment pourrais je le savoir ? Et quelle importance...un poisson, enfin un être flottant....ce dont je suis certaine c'est que je n'étais pas humaine !

Les humains je les connaissais peu...il y avait bien ces bottes de caoutchouc, ce chapeau, et ces yeux bleus comme l'eau de mon torrent en été, qui venaient s'asseoir parfois près du nid de mésanges.

C'était un humain je crois, il venait sûrement profiter de la quiétude du lieu, peut être était il jaloux de moi...peut être cherchait il le moyen de devenir caillou, mésange, eau douce, mousse ou goujon et échapper à son sort d'humain...je me souviens y avoir pensé...il ne me faisait pas peur...je ne le comprenais pas mais comme il restait immobile, plongeant simplement un fil dans l'eau avec un petit crochet au bout...il n'effrayait personne, ne dérangeait rien...ce fil devait le relier à nous, à moi, à l'essentiel...c'est ce que je pensais.

Il avait l'air triste puis heureux, agité, puis calme...et finissait toujours par s'endormir.

Je me sentais encore plus légère lorsque je le voyais à travers mon eau, ronflant au soleil.

Au fait, je crois bien que j'étais le seul poisson...je ne me souviens pas avoir effleuré le corps d'un autre être vivant, nageant, flottant...l'homme parfois, les mésanges et moi toujours....c'est tout !


C'est possible ça ? Je ne me souviens pas non plus avoir ressenti le besoin de manger, aucun besoin d'ailleurs...et je ne me sentais jamais seule.

Il y a eu oui, je me souviens maintenant, quelque chose qui est venu casser cette quiétude...mais quoi ?
C'est après cela que j'ai commencé à perdre la mémoire...oui...c'est ça...
Ce jour là il y a eu un nouveau crochet au bout d'un fil plongé dans l'eau, mon eau. Il avait remplacé les yeux bleus paisibles...!
Ce crochet là était différent, il paraissait vivant, il sentait bon...ça y est je me souviens j'ai eu faim, son parfum me donnait faim... et j'ai voulu goûter cette petite chose suspendue à ce crochet...un cadeau, une offrande de cet humain aux yeux noirs qui eux, ne dormaient pas !

J'étouffe, j'ai mal, je ne suis plus mouillée, il y a du bruit autour de moi une matière étrange m'enveloppe, ce n'est plus de l'eau, le nid de mésanges me regarde...quelque chose ne va pas !

-"Le coeur flanche madame!"

Qui parle ?... et pourquoi j'ai l'impression de comprendre ?...Mon coeur bat toujours pourtant...

...J'ai seulement du mal à respirer et je ne nage plus....

"-Il n'y a plus d'espoir je suis désolé c'est la fin!"

Mais qui dit ça?...je ne vois plus rien...le soleil est parti, il est mort ?!

"-Oui elle est morte Madame ".

Qui est mort ? morte ? il a dit morte c'est de moi qu'ils parlent...je suis fatiguée, je vais dormir...j'étais un goujon...

-"Elle n'a pas souffert Madame, elle est partie tranquillement, cela fait longtemps que son activité cérébrale est nulle. Aucune pensée, aucun ressenti, aucune douleur ! "

"Merci docteur !"

Aucun ressenti...mais alors pourquoi je sens de l'eau, mais elle est salée!... l'eau salée tombe d'un visage d'être humain...je connais ce visage !...non impossible, je suis un goujon et je plonge...je m'enfonce, il fait froid, rendez moi le soleil, j'ai peur...
Je coule...

Des mots raisonnent...

"-Elle était jeune, pourquoi?"

" Elle a finit de souffrir, je m'occupe de tout pour les obsèques..."

Je ne comprends rien, mais les humains ont envahi mon univers...j'aurais du m'en douter, m'en méfier !
Ils s'éloignent enfin, ou c'est moi qui pars ? Peu importe, je me sens ivre, comme au sortir de ma grotte, mais là, c'est un trou noir inconnu...quelle créature monstrueuse va en sortir ?...j'ai vraiment peur...un peu....froid...si froid...!

Un goujon qui coule c'est idiot...je vais m' échouer sur la rive...mais c'est quoi la rive ?
Les hommes meurent ils aussi ?
Je n'ai jamais été un humain mais un goujon...le soleil revient, il m'éblouit...je n'ai plus mal, ça y est je respire sans respirer...l'eau est pleine de diamants, il y a d'autres goujons, je suis bien...ce n'était qu'un voyage ou un rêve...?
La mousse est douce à mourir, les mésanges sont là plus joyeuses que jamais, il n'y a ni yeux bleus ni yeux noirs, je suis un être flottant à l'abri pour toujours !

J'ai eu peur...que c'est il passé ? Peut importe.
Je suis un goujon,l'eau de source est mon air, mon univers et je suis heureuse.
Oui, de cela j'en suis certaine !

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